Une société soumise à la convention collective nationale des industries chimiques signe avec la délégation unique du personnel un accord d’entreprise du 19 avril 2011 portant le contingent annuel d’heures supplémentaires à un montant de 220 heures par salarié, supérieur à celui prévu par l’accord de branche. La commission paritaire de branche valide l’accord le 31 août 2011 et la DIRECCTE l’enregistre le 8 septembre 2011. Un syndicat national fait alors assigner la société, ainsi que la délégation unique du personnel de l’entreprise et ses membres devant un tribunal de grande instance en annulation de l’accord d’entreprise.
Aux termes de l’article L. 3121-11, alinéa 1, du Code du travail dans sa rédaction issue de l’article 18 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Ces dispositions sont d’application immédiate et permettent de fixer par voie d’accord d’entreprise ou d’établissement le contingent d’heures supplémentaires à un niveau différent de celui prévu par l’accord de branche, quelle que soit la date de conclusion de ce dernier.
Viole ce texte la cour d’appel qui, pour annuler l’accord d’entreprise du 19 avril 2011, retient d’abord, que si le Conseil constitutionnel a indiqué que les parties à la négociation collective peuvent dès la publication de la loi du 20 août 2008 conclure des accords d’entreprise prévoyant un contingent différent d’heures supplémentaires (du contingent prévu par les conventions collectives antérieures), c’est à la condition d’avoir dénoncé ces conventions antérieures, ce qui n’est pas le cas en l’espèce concernant l’accord cadre de branche en date du 8 février 1999, ensuite, que cet accord cadre, qui a été conclu avant la loi du 4 mai 2004, laquelle a remis en cause la hiérarchie des normes jusqu’alors en vigueur, ne comprend pas de dispositions permettant expressément aux entreprises d’y déroger et fixe dans son article 8 le contingent d’heures supplémentaires à 130 heures par an et par salarié, enfin, qu’il n’est pas possible de conclure d’accord collectif d’entreprise déterminant un contingent d’heures supplémentaires supérieur à celui prévu par l’accord de branche.
Cass. soc., 1er mars 2017, n° 16-10047
Note :
Le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la constitution la disposition de la loi qui, souhaitant donner toute sa mesure à l’accord d’entreprise et inciter les entreprises à renégocier, avait initialement prévu que les accords antérieurs à la loi nouvelle resteraient en vigueur au plus tard jusqu’au 31 décembre 2009. Cette disposition de la loi avait donc été censurée en raison de l’atteinte qu’elle portait aux conventions en cours. Cependant, le Conseil en a préservé l’esprit en ajoutant clairement que, « le législateur ayant entendu modifier l’articulation entre les différentes conventions collectives pour développer la négociation d’entreprise en matière d’heures supplémentaires, il s’ensuit qu’en l’absence de la disposition déclarée contraire à la constitution, les dispositions de la loi selon lesquelles des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche s’appliquent immédiatement et permettent la négociation d’accords d’entreprise nonobstant l’existence éventuelle de clauses contraires dans des accords de branche » (Cons. Const., 7 août 2008, n° 2008-568 DC).
La chambre sociale tire donc les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel pour déterminer la portée de l’article L. 3121-11 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable. Elle juge par la présent arrêt que ce texte est d’application immédiate et permet de fixer par voie d’accord d’entreprise ou d’établissement le contingent d’heures supplémentaires à un niveau différent de celui prévu par l’accord de branche, quelle que soit la date de conclusion de ce dernier. L’accord de branche ne peut donc, en aucune manière, limiter sur ce point les pouvoirs des partenaires sociaux pour la conclusion d’accords de niveau inférieur.
Le statut et les incidences de salarié protégé
Une salariée à qui l’employeur a soumis un nouveau contrat à durée déterminée à temps partiel, succédant au précédent contrat de même durée à temps complet dont l’exécution avait pris fin avec le retour de la salariée remplacée, qui a refusé de le signer malgré une mise en demeure écrite et antérieure à sa candidature aux élections du CHSCT, n’est pas fondée à revendiquer un contrat devenu à durée indéterminée par la poursuite de la relation contractuelle.
CA Montpellier, 4e A, ch. soc., 23 mars 2016, n° 15/03204
Contrat de travail à temps partiel : requalification après la première irrégularité d’un avenant
Cass. soc., 23 nov. 2016, n° 15-18093
Convention de rupture : charge de la preuve de la tenue de l’entretien préalable
Après avoir signé avec son employeur une convention de rupture homologuée par l’administration, un salarié saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes.
Il résulte des articles L. 1237-12 du Code du travail et 1315, devenu 1353, du Code civil que si le défaut du ou des entretiens prévus par le premier de ces textes, relatif à la conclusion d’une convention de rupture entraîne la nullité de la convention, c’est à celui qui invoque cette clause de nullité d’en établir l’existence.
Viole ces textes en inversant la charge de la preuve la cour d’appel qui, pour faire droit à la demande de nullité de la convention de rupture formée par le salarié pour absence d’entretien, après avoir constaté que la convention de rupture mentionnait la tenue de deux entretiens, retient que l’employeur ne produit aucun élément matériellement vérifiable permettant d’en attester la réalité.
Cass. soc., 1er déc. 2016, n°15-21609
Licenciement pour inaptitude : obligation de réentraînement au travail
À la suite d’une série d’arrêts de travail, une salariée est examinée par le médecin du travail qui la déclare apte à une reprise à mi-temps thérapeutique pour les tâches administratives puis, au terme de deux examens médicaux, inapte à son poste de travail. Après avoir refusé plusieurs propositions de reclassement, la salariée, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, saisit la juridiction prud’homale.
La cour d’appel qui, pour débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts au titre de l’obligation de réentraînement au travail, retient que l’intéressée, après la reconnaissance de son statut d’handicapé et avant le licenciement, n’avait jamais repris le travail, viole l’article L. 5213-5 du Code du travail en ajoutant à la loi.
Cass. soc., 23 nov. 2016, n° 14-29592
Remplacement d’un mi-temps thérapeutique : la fin du CDD
Cass. soc., 23 nov. 2016, n° 14-10652
Régularité d’un règlement intérieur prévoyant des tests salivaires de détection de substances stupéfiantes
CE, 4e et 5e ch., 5 déc. 2016, n° 394178
La convention tripartite organise la poursuite du contrat et non sa rupture
Une salariée de la filiale d’un groupe signe avec cette filiale et une autre filiale du même groupe une convention tripartite par laquelle il est, d’une part, mis fin au contrat de travail la liant à la première filiale, d’autre part conclu un contrat de travail avec la seconde, stipulant notamment une reprise d’ancienneté, l’absence de période d’essai et une classification supérieure.
Licenciée par cette seconde filiale un peu plus de deux mois plus tard, la salariée saisit la juridiction prud’homale.
Les dispositions de l’article L. 1237-11 du Code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail.
Viole les articles L. 1231-1 et L. 1237-11 du Code du travail, ensemble l’article 1134 du Code civil la cour d’appel qui, pour dire que la rupture du contrat de travail conclu entre la salariée et la première filiale s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur au paiement de sommes à ce titre, après avoir constaté qu’une convention avait été signée entre l’intéressée et les deux employeurs successifs, filiales du même groupe, aux termes de laquelle il était stipulé d’une part la résiliation amiable du contrat de travail la liant au premier, d’autre part la conclusion d’un nouveau contrat de travail avec le second, retient que sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par celles régissant la rupture conventionnelle, que l’article 1134 du Code civil ne peut trouver application, les règles spéciales édictées par le Code du travail dérogeant à celles générales du Code civil, et qu’en l’espèce, ces modalités de rupture n’ont pas été respectées, l’avis de l’administration n’ayant pas été sollicité et aucun délai de rétractation n’ayant été stipulé en faveur de la salariée.
Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-17555
Note :
Les transferts conventionnels de contrat de travail prennent très souvent la forme d’une convention tripartite signée entre le salarié et ses deux employeurs successifs. Répondant à une question qui se posait depuis qu’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé que la rupture conventionnelle du contrat de travail devait obéir aux règles posées par les articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail (entretien entre le salarié et l’employeur, homologation de la convention de rupture par l’administration, et versement d’une indemnité dont le montant est au moins égale à l’indemnité de licenciement), la Cour de cassation juge par le présent arrêt que tel n’est pas le cas d’une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture du contrat, mais sa poursuite.
Présomption de justification des différences de traitement opérées par les accords collectifs négociés
Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-11324
Requalification d’un contrat de travail intermittent
Cass. soc., 25 mai 2016, n° 15-12332
Retraite : préavis du salarié pendant une suspension de son contrat pour rechute d’accident du travail
Cass. soc., 25 mai 2016, n° 15-10637
Plan de sauvegarde de l’emploi : procédure de validation de l’accord collectif
CE, 4e et 5e ch., 30 mai 2016, n° 387798
Procédure d’homologation des PSE : appréciation des mesures de reclassement
CE, 4e et 5e ch., 30 mai 2016, n° 384114
Contestation du refus administratif du bénéfice de la protection légale et séparation des pouvoirs
Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-26662
Harcèlement moral : Étendue de l’obligation de sécurité de l’employeur
Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19702
Note :
La Cour de cassation précise la portée de l’évolution jurisprudentielle qu’elle avait amorcée en 2015 (Cass. Soc., 25 novembre 2015, n° 12-24444) qui ouvrait à l’employeur la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral : la seule circonstance que l’employeur a pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral et qu’il l’a fait cesser effectivement, circonstance nécessaire, n’est pas suffisante. Il importe également qu’il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et notamment qu’il ait (préalablement) mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.
L’emploi des heures de délégation du délégué syndical
Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-26967
Lorsque le départ volontaire n’exonère pas l’employeur de son obligation de reclassement
Cass. soc., 19 mai 2016, n° 15-12137
Mutation vers une autre société sans l’accord du salarié…
Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-26556
Point de départ du délai pour le dépôt de la déclaration d’intention de grève d’un agent à la SNCF
Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-26700
Sanction de l’irrégularité de licenciement…distinction du licenciement individuel et du licenciement collectif économique
Après avoir refusé une modification de son contrat de travail, un salarié est convoqué, d’une part, en vue d’un licenciement pour motif économique, dans le cadre duquel il a accepté la convention de reclassement personnalisé et, d’autre part, en vue d’une sanction disciplinaire avec mise à pied conservatoire.
Aux termes de l’article L.321-2-1 ancien du Code du travail, dans les entreprises employant au moins cinquante salariés où le comité d’entreprise n’a pas été mis en place alors qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi et dans les entreprises employant au moins onze salariés où aucun délégué du personnel n’a été mis en place alors qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi, tout licenciement pour motif économique, s’effectuant sans que, de ce fait, les obligations d’informations, de réunion et de consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel soient respectées, est irrégulier et le salarié ainsi licencié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis qui lui sont par ailleurs dues.
Encourt la cassation l’arrêt qui, pour condamner l’employeur au paiement de l’indemnité d’un mois de salaire prévue par l’article L. 1235-15 du Code du travail, retient que la société comptait plus de onze salariés et aurait dû être dotée de délégués du personnel, sauf à produire un procès-verbal de carence, alors que la recodification étant, sauf dispositions expresses contraires, intervenue à droit constant, il en résulte que l’article L. 1235-15 du Code du travail n’est applicable qu’aux licenciements économiques collectifs visés aux articles L. 1233-8 et L. 1233-28 du même code.
Cass. soc., 19 mai 2016, n°14-10251
Vous avez une question ? Contactez-nous :
Tél. : + 33 (0)1 44 63 86 03 / + 33 (0)1 44 63 82 36
Fax : + 33 (0)1 44 63 82 35
Mail : contact@yitcko-avocats.com